Quand on confond Ariège et Andorre…

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L’assemblée générale des copropriétaires du Haut Couserans qui s’est tenue samedi 10 avril au Grand Hôtel à Aulus les Bains, est l’occasion de faire le point sur ce qui pourrait bien apparaître comme une des plus belles escroqueries commises en matière immobilière, du moins en Ariège.

Quand, en 2004, la sénatrice communiste du Nord-Pas de Calais, Michelle Demessine, fait voter la loi qui porte désormais son nom, afin de favoriser l’investissement locatif dans les régions en difficultés, classées ZRR – Zone de Revitalisation Rurale -, elle ne se doute pas qu’elle ouvre là une boite de pandore qui n’est pas prête de se refermer.

L’idée était, par une défiscalisation importante, d’inciter les particuliers à investir dans des résidences de tourisme, sur des zones, généralement de montagne, qui se dépeuplent inexorablement et par là même, de ramener, via un tourisme bien compris, un minimum d’économie et de vie dans ces régions sinistrées.

Nombreux ont été ceux qui n’ont pas su résister à des offres aussi alléchantes que celles de ces promoteurs qui proposaient d’investir sans capital de départ, le montant des loyers, ajouté aux bénéfices de la défiscalisation, couvrant globalement l’ensemble des charges.

Offre d’autant plus difficile à repousser que la plupart des vendeurs incluaient même dans l’offre une promesse synallagmatique de vente (compromis de vente par lequel le promoteur s’engageait à racheter, dans un délai de douze ans, et à la demande de l’investisseur, le bien en question), et une option «garantie de loyers», en cas d’absence de locataire, ou de carence du gestionnaire.

Parmi eux, des personnes aisées, bien sûr, qui finançaient ainsi à peu de frais, leur séjour à la montagne, mais aussi des jeunes couples peu argentés voyant là un bon placement pour l’avenir, ou des retraités ou futurs retraités préparant leur nouvelle vie, ou soucieux de laisser «quelque chose» à leurs enfants et petits enfants.

Malheureusement, la réalité s’est avérée bien souvent différente, et la chute particulièrement dure pour certains.

Dans les meilleurs des cas, l’appartement est bien livré, et les loyers payés, mais seulement pendant une période de douze à dix-huit, voire vingt quatre mois pour les plus chanceux.

Dans le pire des cas, le bien n’est jamais livré, les constructions restent inachevées.

A chaque fois, l’investisseur est obligé de payer les échéances, sans aucune rentrée financière.

Pour les plus aisés cela ne constitue qu’une gêne, mais pour les autres, sûrement les plus nombreux, cette situation peut s’avérer dramatique.

On a vu, parmi les investisseurs lésés, nombre de personnes obligées de vendre leur propre maison pour payer ces échéances.

La technique de cette «arnaque» à grande échelle est simple, mais relativement imparable.

• Dans un premier temps, le promoteur réhabilite un immeuble ancien, ou construit un immeuble neuf qu’il vent ensuite, par appartements;

• Il confie ensuite cet immeuble à une société de gestion à qui il rétrocède une commission, appelée «fonds de concours», de l’ordre de 10 à 15% de la valeur du bien, représentant généralement l’équivalent d’un an et demi de loyers ;

• Le gestionnaire, avec cette commission, reverse les loyers aux investisseurs, étant bien entendu que, s’il trouve des locataires, ces sommes constituent un bonus, et permettent de satisfaire les investisseurs pendant quelques mois supplémentaires;

• Le promoteur, ayant prouvé pendant ce délai de plus d’un an, qu’il est fiable, multiplie les ventes et lance de nouveaux programmes;

• Deux ans après le début de l’opération, la société gestionnaire, prétextant des erreurs de gestion, ou un hiver calamiteux sans neige, voire «la crise», dépose le bilan;

• A peu près à la même époque, le promoteur cesse de payer les entreprises qui finissent par arrêter les travaux;

• Fin (provisoire) de «l’arnaque»

• Un repreneur se présente, qui propose des conditions de gestion de l’ordre de 10 à 20% des conditions d’origine;

• Pour ceux qui n’acceptent pas ces conditions, il ne reste que la «solution» de reprendre sa liberté, en faisant une croix sur la défiscalisation, et espérer vendre le bien au moins mauvais prix.

• Restent ceux, les plus nombreux hélas, qui n’ont vu que les fondations de leur investissement. Pour eux, peu de recours, sinon l’action en justice, onéreuse et sans garantie de réussite.

Quant à la garantie de paiement des loyers, elle était assurée, dans le meilleur des cas, par un groupe anglais qui n’avait aucune compétence pour agir en France.

Dans le pire des cas, le document fourni lors de la présentation du dossier était absent du dossier final. Même impasse pour les promesses synallagmatiques de ventes qui ne sont pas reprises par les nouveaux gestionnaires.

Selon des sources officieuses au Ministère des Finances, le nombre d’investisseurs spoliés dans le cadre de la loi Demessine, serait de l’ordre de 70.000 en France.

Alors qu’en est-il des immeubles du Carla Bayle, de Guzet et d’Aulus les Bains ? Les investisseurs ont-ils été victimes de «l’arnaque» décrite ci-dessus ?

Bien difficile à dire, d’autant plus que l’enquête diligentée par Antoine Leroy, Procureur de la République à Foix, et menée par la capitaine Astruc du SRPJ de Toulouse est encore en cours.

Les résultats sont attendus pour la fin juin 2010. A ce moment seulement, on pourra déterminer les responsabilités éventuelles des uns et des autres.

Ce dont on est sûr aujourd’hui:

• Concernant les immeubles terminés, ils sont aujourd’hui gérés par la société SOMIVAL-GAUDRIOT qui semble donner satisfaction à une large majorité des copropriétaires.

«Certes, on nous reverse des sommes de l’ordre du cinquième de ce qui nous avait été promis, mais au moins, ça redémarre», confie cet investisseur qui reprend doucement courage.

«La saison a été un peu faible», reconnaît Dominique Lecea, pour Somival, «mais il faut tenir compte du fait que nous n’intervenons que depuis huit mois […] nous avons bon espoir pour l’avenir […]

Le pari est osé, mais mesuré […] Il y a ici des filières intéressantes: la montagne, le ski, les sports de pleine nature, le thermalisme et le centre de remise en forme …»

• Concernant les immeubles en cours : Il convient de distinguer deux cas en Ariège:

– Les immeubles finis à 80, voire 95%, tels «le Valier» à Guzet, (trente cinq copropriétaires), l’immeuble situé derrière le Grand Hôtel à Aulus (environ soixante dix investisseurs), et le lotissement «L’Oustal du Carla» au Carla Bayle (soixante et un copropriétaires).

Pour ces trois immeubles, la Caisse d’Epargne Midi Pyrénées a fait savoir que les contrats pour l’achèvement de ces travaux étaient prêts.

Mais la situation est complexe, d’une part du fait que deux mandataires judiciaires ont été nommés, un par le TGI de Foix, Me Jocelyne Dutot, et un autre par le TGI d’Evry, Me Souchon.

Or la SCI ne peut être représenté que par un seul mandataire.

De plus, le promoteur a fait appel de la décision qui aurait permis de terminer ces chantiers et Me Dutot attend les résultats de cet appel.

Enfin, elle souhaite être confortée dans sa nomination de mandataire unique avant de prendre sa décision.

Il faut savoir que cet appel ne sera pas jugé par la Cour d’Appel de Toulouse avant la fin de l’année. (ndlr : fin 2010)

– Les immeubles sont à peine sortis de terre:

C’est le cas pour le «Bethmale», les «Merens 1 et 2» à Guzet, et la deuxième tranche de travaux du Carla Bayle.

C’est probablement les cas les plus dramatiques pour les investisseurs.

En effet, ils ont répondu aux appels de fonds pour des montants variant entre 35, 40, ou même 60% pour certains, doivent donc payer les traites, et sont loin, très loin de voir le début du commencement de la construction.

La plupart des propriétaires dans ce cas ont engagé une demande de «résolution de vente»

Cette procédure consiste à annuler les «effets obligatoires d’un engagement contractuel à exécution instantané en raison principalement de l’inexécution fautive par l’une des parties, des obligations mises à sa charge par la Loi ou par le contrat.

La résolution a un effet rétroactif, Il en découle que les parties sont remises dans l’état où elles se trouvaient à la date de la conclusion du contrat»

En d’autres termes cette procédure permet de faire prononcer par un tribunal l’annulation pure et simple de la vente.

Si cette résolution est actée, les investisseurs récupèrent leur mise assortie, le cas échéant, de dommages-intérêts compensatoires. Pour appuyer leur demande, ils ont assigné tant les notaires que les banques.

Il est clair que, dans cette affaire, les investisseurs, regroupés en association, ne restent pas inertes.

Outre le fait qu’ils sont à l’origine de la plupart des procédures engagées, ils se battent maintenant pour les faire aboutir et accélérer les processus.

C’est ainsi qu’ils ont écrit récemment à Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux «pour demander que l’affaire soit jugée en priorité», aux tribunaux de Foix et Evry «pour que le jugement de ce dernier soit annulé», au TGI de Toulouse «pour demander un jugement en priorité»

A noter que pendant ce temps, l’argent ne rentre pas et surtout, pour les investisseurs dont les bâtiments ne sont pas terminés, que les immeubles se dégradent.

Il suffit pour s’en convaincre de voir l’état de l’immeuble situé derrière le Grand Hôtel, à Aulus, où se tenait cette assemblée générale, dont la couverture n’a jamais été finie, et qui subit les assauts des intempéries, neige, pluie, soleil, depuis maintenant près de deux ans.

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